Stathis Kouvelakis, La France en révolte. Luttes sociales et cycles politiques, Paris, Textuel, 2007, 320 p. (La Discorde).

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Grève, Manifestation

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Marxiste affirmé, Stathis Kouvélakis livre avec cet ouvrage une copieuse étude de sociologie politique, constituée pour moitié d'articles déjà publiés (mais remaniés pour cette édition), et pour moitié de textes inédits, rédigés dans un style relativement dense. L'axe central du livre est l'analyse de la période 1986-2006, vue à travers le prisme de la lutte des classes, et déterminée en grande partie par l'offensive du néolibéralisme à la française et la résistance hoquetante des classes populaires. Il insiste ainsi sur le phénomène de « racisation » comme moyen pour les dominants de dévier la colère des dominés, et allant à contre courant de bien des analyses à la mode, remet en cause l'idée selon laquelle la société postmoderne serait celle d'individus libres, revenant en particulier sur les rôles essentiels de la famille ou du conformisme culturel. Stathis Kouvélakis relativise également la nouveauté des mouvements sociaux apparus dans les années 90 qui ne remettent pas en cause l'existence des actions ouvrières plus traditionnelles, tout comme l'essor des manifestations, souvent couplées à des phénomènes grévistes, avec d'ailleurs la persistance d'une violence populaire, allant là à l'encontre des analyses de Danielle Tartakowski. Enfin, il insiste sur le rôle du secteur privé dans les mobilisations, moins réduit qu'on ne voudrait le croire.

A cet égard, son analyse de la défaite ouvrière des années 70 est passionnante, et montre bien la place de césure essentielle de 1978, avec selon lui l'importance déterminante de la rupture de l'Union de la gauche et de l'échec qui s'ensuit aux législatives. Plus généralement, les données qu'il fournit, sur l'ancrage spatial des luttes ou leurs respirations cycliques, sont précieuses. On pourra néanmoins rester plus dubitatif sur ses utilisations de Gramsci et de Foucault, en particulier le concept de « révolution passive » du premier, désignant ici l'offensive du néolibéralisme (appelé aussi postfordisme), tout comme sur son découpage des cycles politiques avec la notion de période « antipolitique » (terme assez peu pertinent) pour désigner les tranches où le mouvement social agit en réaction à un événement traumatisant sans se donner comme objectif explicite la conquête du pouvoir (1830-1848, 1880-1914, 1968-1973, 1995-2002). Stathis Kouvélakis termine son livre avec des analyses sur la conjoncture la plus récente, avec beaucoup de finesse, d'ailleurs, concluant, non sans critiques à l'égard de la gauche radicale, à une volonté offensive de la part du Thatcher français sans que la majorité de la population n'ait pour autant basculé à droite (18-24 ans, ouvriers, employés et salariés du secteur public ayant majoritairement voté contre Sarkozy).

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Jean-Guillaume Lanuque, « Stathis Kouvelakis, La France en révolte. Luttes sociales et cycles politiques, Paris, Textuel, 2007, 320 p. (La Discorde). », Dissidences [En ligne], Juillet 2012, Nos archives du mois : grèves et manifestations, publié le 08 juin 2012 et consulté le 25 avril 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=618

Auteur

Jean-Guillaume Lanuque

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