Howard Zinn, L’impossible neutralité. Autobiographie d’un historien et militant, Marseille, Agone, 2006 (1994 pour l’édition originale), 384 p. (Mémoires Sociales).

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Communisme, Intellectuels, Historiographie

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Poursuivant dans la lancée d’Une Histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours, somme remarquable sur la face obscure de l’histoire de ce pays, puis de Nous, le peuple des Etats-Unis…, passionnant essai contemporain, sans parler de ses pièces de théâtre, Agone nous donne enfin accès à l’œuvre d’un des historiens majeurs des Etats-Unis de la seconde moitié du XXème siècle. Avec ce nouvel ouvrage, nous découvrons l’autobiographie d’un homme pleinement engagé dans les luttes de son temps. Préférant à un récit strictement chronologique et linéaire une approche mêlant les époques et les scènes de combat, Howard Zinn, plutôt qu’un récit et une méditation complets de sa vie, nous livre ce qui lui paraît devoir être retenu de son itinéraire militant afin de proposer des pistes de réflexion à l’usage en particulier des jeunes générations. Sa position, contrairement à celle d’une neutralité à vocation scientifique, s’appuie en effet sur l’importance de dire qui on est, d’où l’on parle, en s’efforçant avant tout d’être honnête, vis-à-vis de ses étudiants en particulier.

Cela posé, il nous narre son enfance pauvre, marquée de par l’aspect mythique du « rêve américain » et par l’ancrage d’une conscience de classe ; son passage à un certain radicalisme à la suite de sa participation à une manifestation au début de la seconde guerre mondiale organisée par les communistes et réprimée ; son engagement dans l’armée de l’air en 1943 et sa prise de distance progressive à l’égard du conflit et de sa finalité démocratique revendiquée ; sa participation, dès lors logique, à la lutte contre la guerre du Vietnam et sa défense du pacifisme et de la désobéissance civile (avec même un voyage au Vietnam début 1968 afin de récupérer des prisonniers étatsuniens libérés) ; ses sept années de professorat en Géorgie, à l’époque du mouvement des droits civiques dont il fut partie prenante, ce qui lui permet de témoigner de la prégnance du racisme dans ces états du sud restés attachés à un certain passé ; son expérience éphémère de la prison, des brutalités policières et des limites de la justice de son pays, trop souvent favorable aux WASP (white, anglo-saxon, protestant) ; ses luttes menées au sein de l’université contre l’autoritarisme et les puissants de l’argent.

Plus généralement, H. Zinn met l’accent sur les limites de la démocratie des Etats-Unis, dont ils se font pourtant les hérauts actuels. A cet égard, Agone a eu la bonne idée de compléter l’ouvrage original par des articles divers, dont quelques-uns écrits à la suite du 11 septembre 2001, qui revendiquent la compassion plutôt que la vengeance. Bien que l’on puisse regretter leurs insuffisances sur certains points, comme l’évocation de l’extrême gauche aux Etats-Unis, ces mémoires s’avèrent tout à fait roboratives et conseillées.

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Jean-Guillaume Lanuque, « Howard Zinn, L’impossible neutralité. Autobiographie d’un historien et militant, Marseille, Agone, 2006 (1994 pour l’édition originale), 384 p. (Mémoires Sociales). », Dissidences [En ligne], Histoires, Historiographies, publié le 06 décembre 2012 et consulté le 25 avril 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=588

Auteur

Jean-Guillaume Lanuque

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