E. J. Hobsbawmn Les bandits, Paris, Zones, La Découverte, 2008, 217 p.

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Historiographie, Mouvement social

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L'excellente maison d'éditions Zones, distribuée par La Découverte, a eu la bonne idée de rééditer cet essai de l'historien Hobsbawm, accompagné d'annexes, d'un avant-propos et d'une postface datés de 1999. Dans ce livre, l'auteur étudie la figure du « bandit social », distincte du criminel ordinaire, en ce sens qu'il recherche la sympathie au moins d'une partie des paysans des lieux où il agit et vit, et qu'il n'est pas considéré par tous comme un criminel, mais acquiert au contraire une image de « redresseur des torts », de justicier des pauvres. L'historien revient ainsi sur les bandits mythiques, tels Robin des Bois et Pancho Villa, en interrogeant aussi bien leur histoire que le mythe qui les accompagne, la construction et la réévaluation romantique de leurs images.

Hobsbawm lie le phénomène du banditisme social aux « notions de classe, de richesse et de pouvoir dans les sociétés rurales » (p. 17) ainsi qu'à la modernisation capitaliste et étatique. D'où sa coexistence avec « la révolution paysanne dont il est souvent le précurseur » (p. 41). Si l'auteur évoque le rôle de Pancho Villa dans la révolution mexicaine, celui des brigands chinois auprès de l'Armée rouge de Mao à la fin des années 20, c'est pour conclure de manière plus générale que « la contribution des bandits aux révolutions modernes fut donc ambiguë et de courte durée et ce fut là leur tragédie » (p. 126).

Le livre, aussi intéressant soit-il, souffre selon moi, d'une vision marxiste par trop classique. Cet essai est né dans le cadre puis le prolongement de la recherche de Hobsbawm sur « les primitifs de la révolte », et l'auteur donne parfois l'impression de céder à une forme d'évolutionnisme ; l'entrée en scène des partis communistes se substituant aux formes archaïques et dépassées de la révolte qui prévalait jusque là. Dans ce registre, les convergences entre banditisme et mouvements politiques, tels le millénarisme et l'anarchisme, viennent comme confirmer le primitivisme commun des bandits sociaux et de ces courants politiques. Ce défaut se fait particulièrement ressentir dans le manque de nuances et de complexités des pages, qui traitent le monde criminel des bas fonds, passant complètement à côté de la figure de la bohème révolutionnaire (voir à ce propos l'excellent article d'Enzo Traverso dans Actuel Marx, Actes du Congrès Marx International II , 1999), de la guérilla urbaine à Barcelone sous le franquisme (voir le chapitre qui lui est consacré dans le livre de Secundino Serrano, Maquis. Historia de la guerilla antifranquista ), et des similitudes entre les bandits d'autrefois et les activistes gauchistes des années 70 (Hobsbawm aurait pu étudier des groupes autrement plus intéressants que l'Armée de libération symbionaise (1973-1974), en Californie). Peut-être est-ce pour cette raison que l'auteur n'aborde pratiquement pas le banditisme social urbain du 20ème siècle, y compris dans la postface et les annexes. Or, il aurait été intéressant de savoir si et jusqu'à quel point, ses analyses s'appliquent à un banditisme plus récent comme, pour ne prendre que des exemples français relativement récents, Goldman, Mesrine, Bauer, Greppo (tous ont écrit des livres sur leur expérience). Enfin, il est dommage que l'Afrique et le Moyen Orient soient les grands absents de cet essai.

Cependant, ce livre reste une référence qu'il faut lire. Son principal mérite est d'avoir ouvert la voie à une série de recherches et de discussions, auparavant inexistantes ou occultées par l'histoire officielle, sur le thème du banditisme social.

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Frédéric Thomas, « E. J. Hobsbawmn Les bandits, Paris, Zones, La Découverte, 2008, 217 p. », Dissidences [En ligne], Intellectuels, publié le 06 octobre 2012 et consulté le 23 avril 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=542

Auteur

Frédéric Thomas

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