Éric Hobsbawm, Aux armes, historiens. Deux siècles d'histoire de la Révolution française , Paris, La Découverte, 2007 (1990 pour l'édition originale), 156 p.

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Intellectuels, Historiographie

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La parution extrêmement tardive de cette étude d'Eric Hobsbawm, comme avant elle celle du livre de Domenico Losurdo sur Le révisionnisme historique est révélatrice des changements qui ont eu lieu depuis une quinzaine d'années dans la sphère de la connaissance historique : à une domination étouffante de la vulgate édictée par Furet et ses épigones, a succédé une plus grande diversité, avec en particulier le dynamisme retrouvé d'une historiographie de gauche.

A travers ces conférences, Hobsbawm menait l'offensive contre les « révisionnistes », défendant une interprétation « classique » de la Révolution, vue avant tout comme « bénéfique », avec son caractère « bourgeois » presque inconscient et ses radicalités « jacobines ». Les rappels qu'il brosse sont utiles et intéressants : débutant par la vision des historiens libéraux de la première moitié du XIXème siècle, qui sont tous d'accord pour souligner le caractère fondamental de la Révolution dans l'essor de la bourgeoisie, et la prennent d'ailleurs comme un « bloc » (dixit Clémenceau), avec ses dérapages « populaciers », Hobsbawm développe ensuite l'influence majeure des événements sur la pensée et l'action des socialistes et des communistes, à travers 1848 ou 1917 (« […] ce qui a maintenu en vie la Révolution française en tant que point de repère politique […] fut sa place dans les débats internes de la Russie soviétique », p.67), non sans se laisser aller occasionnellement à quelques facilités d'écriture (les « sectes trotskystes », par exemple). Il compare ensuite les deux commémorations séculaires, le centenaire de 1889, dominée par la célébration du caractère progressiste de la Révolution, non sans méfiance à l'égard de la composante populaire et démocratique, et le Bicentenaire, triomphe apparent des idées « révisionnistes » négatrices de l'essence de la Révolution.

Entre les deux, Hobsbawm brosse un aperçu de l'historiographie, laissant apparaître sa prédilection pour Georges Lefebvre. Certes, une telle synthèse n'est pas exempte de défauts ou d'affirmations parfois discutables, mais elle est également une mise au point toujours nécessaire. La postface inédite de 2007 insiste surtout sur la non pérennisation de la vision furetienne et sur le retour de l'histoire sociale de la Révolution.

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Jean-Guillaume Lanuque, « Éric Hobsbawm, Aux armes, historiens. Deux siècles d'histoire de la Révolution française , Paris, La Découverte, 2007 (1990 pour l'édition originale), 156 p. », Dissidences [En ligne], Intellectuels, publié le 06 octobre 2012 et consulté le 19 avril 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=541

Auteur

Jean-Guillaume Lanuque

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