Henry Poulaille, Les damnés de la terre, Paris, Les Bons Caractères, 2007, 445 p.

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Mots-clés

Mouvement ouvrier, Roman, Classe ouvrière

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De Poulaille, le lecteur disposait d'ouvrages aussi connus que Le pain quotidien ou Pain de soldat , régulièrement réédité et disponible en édition de poche. Mais ce livre, paru en 1935 pour la première fois, n'avait plus été édité depuis 1945. On se demande bien pourquoi, étant donné l'importance de Poulaille dans l'histoire de la littérature. En tout cas, on ne peut que saluer l'effort de ce petit éditeur pour offrir une seconde jeunesse à cet ouvrage, en souhaitant vivement qu'il trouve un nouveau public. Rappelons qu'Henry Poulaille fut durant la période l'entre-deux-guerres un des chefs de file du courant dit de la littérature prolétarienne (pour un prolongement, Not et Radwan, ainsi que « Les Cahiers H. Poulaille »). Avec Les damnés de la terre , on retrouve le style et les préoccupations des chefs d'œuvre de Poulaille, même si cet ouvrage est plus modeste, Les damnés étant d'ailleurs conçu comme un prolongement de Le pain quotidien . Les damnés est clairement un roman à thèse. L'auteur ne s'en cache pas, le titre même l'indique. Il s'agit de décrire la vie, mais aussi les luttes de cette classe ouvrière parisienne, de ce petit peuple dont Poulaille lui-même est issu. De nombreux passages sont d'ailleurs extraits de ses souvenirs et revêtent une touche autobiographique. L'histoire est celle d'une famille, les Magneux, dont le père, solide ébéniste, a trois enfants. Il a été victime, il y a plusieurs années, d'un très grave accident du travail. En fait, on le découvre au fil des pages, il ne s'est jamais vraiment remis de cette chute de chantier et un mal secret le ronge. Il en va de même de sa femme, Hortense, qui se meurt à petit feu. La famille subit finalement le sort tragique de nombreux membres de ces classes déshéritées. Néanmoins, le livre n'est pas centré sur les malheurs des Magneux mais donne à Poulaille l'occasion d'illustrer les luttes syndicales et politiques de la période d'avant la Première Guerre mondiale. On retrouve, en une technique d'une foudroyante modernité littéraire, de très larges extraits de la presse socialiste et syndicale. Le récit des grèves occupe les esprits et rythme le texte. On est cependant très loin du réalisme socialiste que l'on pourrait craindre. Les personnages ne sont jamais d'une seule pièce, tendus vers un avenir radieux. C'est le cas de Loulou, l'aîné des Magneux, qui se montre par ailleurs violent avec ses camarades ou n'hésite pas, en des jeux pervers, à tyranniser les animaux. Et puis, surtout, après une période de paix et de bonheur, consécutive à un déménagement dans un logement sain, le groupe familial va connaître la déchéance, enregistrant la mort du père, de la mère et la dislocation des enfants, avec des avenirs assez sordides. Pas franchement de happy end dans Les damnés de la terre , même si le livre se conclut sur la naissance d'une nouvelle année. L'année 1910 fut sombre, mais l'avenir demeure ouvert, semble prédire Poulaille.

- André Not , Jérôme Radwan , dir., Autour d'Henry poulaille et de la littérature prolétarienne, Presses Universitaires de Provence, 2003

- « Cahiers Henry Poulaille », 10 numéros disponibles actuellement.

Adresse : Jean-Paul Morel, 33 rue Taine, 75012 Paris (tél. : 01 43 44 73 41 32 ; courriel : yann.lehourndel@wanadoo .fr).

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Référence électronique

Georges Ubbiali, « Henry Poulaille, Les damnés de la terre, Paris, Les Bons Caractères, 2007, 445 p. », Dissidences [En ligne], Culture, littérature (romans, BD), publié le 06 décembre 2012 et consulté le 23 avril 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=508

Auteur

Georges Ubbiali

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