Monique Georges, Le Colonel Fabien était mon père , Paris, Mille et Une Nuits, 2009, 320 p. Préface de Gilles Perrault et postface d'Olivier Besancenot.

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Communisme, Résistance

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On est frappé à la lecture de ce livre par la jeunesse des protagonistes (Pierre Georges, engagé dans les Brigades Internationales à 17 ans, termine sa vie à l'âge de 25 ans), et aussi par leur extraordinaire témérité, l'une expliquant sans doute l'autre.

Ce livre ne nous apprend pas grand chose de nouveau sur la vie en forme d'épopée du Colonel Fabien, de l'attentat de la station de métro Barbès à sa mort, non encore élucidée, en manipulant une mine en Alsace, lors de la confrontation finale avec les Allemands. Mais ce qui donne du sel à cet ouvrage, rédigé par sa fille unique Monique, née en 1940, c'est la présentation du Colonel Fabien comme homme privé. Ayant grandi dans le Paris populaire de l'Est, apprenti boulanger puis brièvement ouvrier métallurgiste, Pierre est un vrai titi. Très amoureux, vite marié à Andrée, père à 20 ans, il eut le temps, avant la guerre, de profiter brièvement des loisirs que la classe ouvrière venait de conquérir par ses luttes du printemps 36. Joyeux copain, bon cuisinier, amoureux de randonnées et de camping, ses qualités d'entraîneur d'hommes trouveront à s'employer rapidement dans la lutte politique et militaire. Car Pierre Georges, comme sa femme – elle sera déportée -, son frère, presque toute sa famille, est militant, très tôt, du Parti communiste. Un parti communiste auquel il reste attaché, envers et contre tout…malgré le pacte germano-soviétique d'août 1939 et la tentative de reparution de l'Humanité sous la botte allemande, à l'été 1940. Sa fille, manifestement peu fascinée par les dirigeants du PC de l'après-guerre, dont certains étaient au Service du Travail Obligatoire (STO) en Allemagne pendant que son père se battait les armes à la main contre les nazis/allemands, le décrit comme proche de Georges Guingouin et de Charles Tillon, des militants qui n'ont pas attendu l'agression de l'URSS par l'Allemagne nazie et le feu vert du Kremlin pour prendre le chemin de la résistance.

Après la guerre, cette indépendance d'esprit lui aurait-elle valu des problèmes avec une hiérarchie communiste qui préféra promouvoir des militants à l'échine souple ? Sa mort prématurée ne permet pas de trancher. Pour la caste militaire, c'était plutôt son origine populaire, son orientation politique aussi, qui posaient problème et qui expliquent ses réticences à lui donner le grade qu'il méritait. Finalement sa mort en a soulagé beaucoup.

Dans sa postface, un autre titi parisien d'aujourd'hui, Olivier Besancenot, qui a eu Monique Georges comme professeur d'histoire et géographie, rend hommage au Colonel Fabien. Pour lui, la vie de Pierre a valeur d'exemple. Même dans les périodes les plus noires, les plus dures, la résistance est possible et nécessaire. Pour O. Besancenot, originaire d'une formation trotskyste, la résistance armée contre « les soldats nazis » était une impérieuse nécessité. Pourtant ses camarades trotskystes des années 40 ne considéraient pas tous les soldats allemands comme des nazis. Ils se sont efforcés, eux aussi au prix de leur vie, notamment en Bretagne, d'en gagner à leurs positions en publiant tracts et journaux en allemand, refusant de céder au chauvinisme et à l'esprit « anti-boche ». Politique sans doute un peu trop sophistiquée en temps de guerre qui ne permit en tout cas pas aux trotskystes de sortir du cataclysme mondial avec la même auréole que les staliniens.

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Jean-Paul Salles, « Monique Georges, Le Colonel Fabien était mon père , Paris, Mille et Une Nuits, 2009, 320 p. Préface de Gilles Perrault et postface d'Olivier Besancenot. », Dissidences [En ligne], Communisme français, publié le 04 septembre 2012 et consulté le 25 avril 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=458

Auteur

Jean-Paul Salles

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