Christian Picquet, La république dans la tourmente. Essai pour une gauche de gauche, Paris, Syllepse, 2003, 128 p.

Index

Mots-clés

Trotskysme

Texte

Image

Qu'un dirigeant de la LCR écrive comme un noble, l'imparfait du subjonctif inonde ce livre, passe encore. Mais qu'il se mette à théoriser la rupture avec le léninisme1 et le trotskysme orthodoxe, ce qui amène Hardy-Barcia à conclure que « la LCR a abandonné ses idées et son programme »2, devrait dérouter plus d'un lecteur. En tous les cas, ce livre manifeste, s'il en était encore besoin, la diversité de pensée qui existe au sein de cette organisation. Après un retour sur la situation politique française et une analyse sans concession de la politique du gouvernement Raffarin, Picquet développe plusieurs pistes pour s'opposer à la droite, tout en refondant une alternative en matière institutionnelle (changer la république), au niveau de l'Europe et, pour conclure, pour « changer de gauche ». Ajoutons-y un chapitre, bien troussé et convaincant sur la spécificité du fascisme représenté par le FN et la menace qu'il fait peser sur le pays. Picquet est cultivé, il manie les références les plus inattendues, en matière de presse le Figaro ou le Nouvel Obs sont abondamment mobilisés, il cite également, d'un point de vue plus large, un bon nombre d'essayistes à la mode. Son propos est pourtant iconoclaste. Le modèle bolchévique a failli, explique-t-il. Ce n'est pas par un retour au passé (mythique et mythifié) que l'on peut espérer opposer une politique radicale face à la gauche sociale-libérale qui se vide de sa substance. Pour ce faire, il s'appuie nettement plus sur la tradition nationale que sur des références exogènes. La révolution française, la tradition républicaine et Jaurès semblent ainsi constituer son horizon réflexif et stratégique. Certes, en la matière, Picquet mobilise la période de 1793 et non Thermidor ou l'épisode Girondin. N'empêche que cette insistance sur l'évènement fondateur de la modernité politique française (et au-delà), l'amène à flirter bien souvent avec le paradoxe (ainsi la notion de subsidiarité démocratique, l'idée d'élection du Conseil constitutionnel ou encore l'appel à une 6 e république), voire la confusion (ainsi l'usage répété de la notion d'intérêt général qui demanderait à être singulièrement questionnée). Marx a beau avoir écrit que « Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l'état actuel », il n'en oubliait pas de saluer les réalisations effectives de la Commune.

Article publié dans Dissidences, auto-édité, n° 14-15, oct. 2003-janv. 2004, p. 127

Notes

1 Ainsi peut il écrire « ‘le léninisme' aura incontestablement ouvert le chemin à la dégénérescence du mouvement communiste international », p. 119. Retour au texte

2 Barcia (Robert), « La véritable histoire de Lutte ouvrière », Paris, Denoël, 2003. Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Georges Ubbiali, « Christian Picquet, La république dans la tourmente. Essai pour une gauche de gauche, Paris, Syllepse, 2003, 128 p. », Dissidences [En ligne], 2 | 2011, . URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=192

Auteur

Georges Ubbiali

Articles du même auteur